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Retrouvez une très bonne interview sur Philippe Malige par Sharkfoot

Agé de 45 ans et atteint par la limite d’âge, Philippe MALIGE, natif de Nîmes, a arbitré son dernier match professionnel à l’occasion d’Istres-Bastia, comptant pour la dernière journée de Ligue 2. Arbitre depuis l’âge de 14 ans, il nous livre ses impressions sur sa carrière tout en nous faisant découvrir les facettes du métier d’arbitre de haut niveau.


Vous avez arbitré votre dernière rencontre professionnelle, vendredi dernier, à l’occasion d’Istres-Bastia. Qu’avez-vous ressenti au moment du coup de sifflet final ?


J’étais très ému. Je m’y étais préparé à l’avance puisque je savais depuis un petit moment que cette saison 2011-2012 serait la dernière pour moi, mais au moment fatidique j’ai eu, tout de même, beaucoup de mal à réaliser. Vous savez, pour moi l’arbitrage c’est une passion qui dure depuis plus de 30 ans. J’ai toujours vu l’arbitrage comme une passion avant de le voir comme un métier. On ne devient pas arbitre si l’on n’est pas un passionné. J’ai pris énormément de plaisir. D’ailleurs le plaisir s’est prolongé puisque, jeudi soir, j’ai eu la chance d’arbitrer le match entre la sélection Corse et l’équipe de Gérard Houiller (2-2).

 

Quelles sont les anecdotes les plus marquantes de votre carrière ?


Il y en a pas mal, mais je pense à une en particulier : c’était en 2009 lorsque j’officiais lors de la rencontre Marseille-Auxerre (0-2). J’avais alors adressé un carton rouge à l’encontre de Baky Koné, à la suite d’une action litigieuse avec Valter Birsa. Devant les virulentes protestations des Marseillais, je suis allé voir l’Auxerrois qui m’a affirmé que le geste de Koné à son égard n’était pas volontaire. Je suis donc revenu sur ma décision. Il ne faut pas avoir peur d’avouer que l’on s’est trompé. J’ai beaucoup apprécié ce geste fair-play du Slovène, c’est assez rare pour être souligné. Après, grâce à l’arbitrage, j’ai eu l’occasion d’aller dans plein de pays européens, j’ai été quatrième arbitre à Munich, à Barcelone. Je me suis vraiment rendu compte que la Ligue des Champions c’était un autre monde… En termes de niveau et d’organisation, c’est clairement au-dessus de tout. Enfin, le match de Coupe de France que j’ai arbitré en Nouvelle-Calédonie reste également un très bon souvenir.

 

Justement quels sont vos rôles précis en tant que quatrième arbitre en Ligue des Champions ? Cela ne vous pose-t-il pas problème au niveau de la langue ?


Ce qu’il faut savoir, c’est que pour officier dans une rencontre internationale, un bon niveau d’anglais est exigé pour n’importe quel arbitre (centre, assistant, quatrième ou de surface), l’anglais étant la langue officielle. On s’appuie donc sur nos bases acquises lors de nos études, mais nous avons régulièrement des cours d’anglais dans le cadre de la Direction Nationale de l’Arbitrage (DNA). L’objectif étant de connaitre des phrases types et d’avoir un certain vocabulaire pour assurer la bonne tenue d’un match. Il n’est pas nécessaire de raconter notre vie aux joueurs, mais c’est plus rassurant de voir un arbitre qui communique. Pour ce qui est du rôle de quatrième arbitre, il est la pour gérer les tensions au bord du terrain. Après, et au même titre que les assistants, il peut aider l’arbitre central sur certaines actions où il est mieux placé. L’arbitrage d’un match est un réel travail d’équipe.

 

On connait la charge de travail des joueurs professionnels pour préparer un match, mais celle des arbitres un peu moins. Comment un arbitre professionnel se prépare-t-il ?


Nous avons un mode de vie qui tend à se rapprocher de celui des joueurs. Nous avons même coutume de dire que nous sommes la 21e équipe du championnat. À l’instar des joueurs, nous avons des préparateurs physiques, des médecins, mais aussi des managers. De plus, pour chaque match, nous sommes équipés d’une montre Polar qui nous indique les données physiques. Les exigences physiques sont de plus en plus importantes pour les arbitres. Moi je m’entraine trois fois par semaine, mais certains s’entraînent quatre à cinq fois par semaine. Les séances sont calquées sur celles des joueurs, avec notamment des tests VMA et de plus en plus de vivacité à l’approche du match. Ce sont des choses que l’on ne voyait pas 15 ans auparavant. Au niveau de notre performance, on reçoit un débriefing à l’issue de chaque journée avec l’analyse de notre performance, mais également des conseils pour nous améliorer.

 

L’arbitrage de haut niveau implique donc beaucoup de sacrifices au niveau familial et professionnel ?


C’est une certitude. Cela dit, je pense que ça en vaut la peine. Concernant la vie de famille, il est clair que l’on fait une croix sur nos week-ends. Pour ce qui est de la vie professionnelle, cela dépend de chacun. Certains vont s’organiser pour avoir une profession à temps plein à côté, d’autres seulement à temps partiel, et certains ne vont se consacrer qu’à l’arbitrage. Pour ma part, j’étais employé de banque. Quand j’ai commencé à arbitrer à haut niveau, je suis passé à temps partiel. Depuis deux ans, j’ai pris deux années sabbatiques. À ce sujet là, je n’ai aucun regret, parce que j’ai réalisé mon rêve.

 

Comment un arbitre devient-il professionnel ? Quel est le système mis en place ?


Il faut savoir qu’il y a des concours à chaque échelon dans les catégories district, ligue et fédération. Je prends l’exemple de la catégorie fédération, où l’on trouve les F5 (CFA 2), F4 (CFA), F3 (National), F2 (Ligue 2) et F1 (Ligue 1). On est obligé de passer par toutes les étapes avant d’évoluer au plus haut niveau. Après les arbitres de chaque échelon sont évalués, notés et classés. Ainsi il y a des promotions et des relégations en fonction des notes. À l’image des équipes d’un championnat, les arbitres sont tous en compétition.

 

Cette situation n’est-elle pas trop stressante ?


Non je ne pense pas, dans tous les cas, un arbitre doit savoir gérer la pression. Personnellement, je vois plus ce système comme une source de motivation, plutôt qu’une source de stress. Après, ce système est forcément perfectible, mais je trouve qu’aujourd’hui il n’y a pas mieux. Après, on peut toujours l’améliorer.

 

On sait qu’un arbitre professionnel ne peut pas officier dans une rencontre disputée par un club de sa région d’origine. Les arbitres ont donc un petit côté supporter ?


Cela peut exister oui. Étant moi-même originaire de la région Languedoc-Roussillon j’avoue avoir un petit faible pour Montpellier. Malgré tout, étant un Nîmois pur sang, je reste très attaché au Nîmes Olympique, qui monte en Ligue 2. Mais une fois sur le terrain en tant qu’arbitre, je fais abstraction de tout ça pour faire mon métier du mieux possible. Par exemple, quand Nîmes était en Ligue 2 et luttait pour son maintien, j’ai dû arbitrer l’un de ses concurrents directs. Cela n’a eu aucune incidence sur mon arbitrage, la preuve, l’équipe en question s’est même imposée. Il faut arrêter de dire que les arbitres avantagent les équipes de leur région, c’est faux.

 

Un mot sur votre avenir. Maintenant que vous êtes retraité de l’arbitrage, quels sont vos projets ?


Pour être honnête je ne sais pas encore. Une chose est sûre, je compte faire un break concernant le monde de l’arbitrage. Mais si ce dernier me manque, je reviendrais notamment en conseillant les jeunes ou même certains collègues. Mais pas dans l’absolu. J’ai envie de profiter de mes week-ends en famille aussi. Après, il est possible que je reprenne mon ancienne profession d’employé de banque.

 

Les arbitres français sont aujourd’hui très critiqués, que ce soit par les joueurs, les entraîneurs mais aussi par les médias. Sont-ils réellement au niveau ?


Je pense que les arbitres de L1 méritent d’officier à ce niveau et sont totalement à même de diriger ce genre de rencontres. Pour être honnête, je pense qu’en France on n’a pas à se plaindre de l’arbitrage par rapport à certains pays. Certes nous faisons des erreurs, mais pas plus qu’avant. Le problème est qu’avec la multiplication des caméras, elles sont davantage mises en évidence qu’auparavant. Puis il faut dire la vérité, taper sur les arbitres est devenu un sport national. Mais c’est sombrer dans la facilité. Aujourd’hui, il est beaucoup plus aisé de mettre une contre-performance d’une équipe sur le dos de l’arbitre plutôt que sur celui de l’attaquant qui a raté trois occasions ou sur celui du gardien qui a encaissé des buts évitables. Dans les médias, c’est la même chose. Un certain journaliste bien connu des plateaux télés a décidé de faire de la critique de l’arbitrage son passe-temps. Heureusement que d’autres cherchent à nous défendre. Les arbitres ont vraiment besoin de soutien.

 

Vous ne pouvez pas nier que, sur certains matchs, la responsabilité des arbitres n’est tout de même pas engagée ?


Non, il y a des erreurs et il y en aura toujours. L’arbitre est un être humain qui est susceptible de se tromper. Et je pense que les arbitres ne doivent pas avoir peur d’avouer qu’ils se sont trompés. Si l’on a peur, on n’est pas arbitre. Cela à tendance à évoluer d’ailleurs, un arbitre est beaucoup plus enclin à admettre ses erreurs à l’heure actuelle. Il ne faut pas oublier une chose : on a tous un souci de justice et dès que l’on est conscient d’avoir fait une erreur, nous sommes les premiers à nous en vouloir.

 

C’est-à-dire ?


Nous sommes touchés moralement et nous sommes en colère contre nous-même d’avoir commis une erreur. Surtout que, vu la médiatisation de la moindre erreur, un arbitre s’en prend rapidement plein la gueule. Les deux ou trois jours qui suivent le match sont difficiles et les nuits sont courtes. Pourtant, il faut vite avaler ce désagrément pour repartir. On passe par de mauvais moments et ce n’est jamais évident de rebondir, mais c’est essentiel. Nous savons également que la moindre décision que nous prenons peut faire perdre des millions d’euros à un club vu les enjeux colossaux que représente le football aujourd’hui. Je peux même dire qu’après certains matchs, des collègues ont reçu des menaces de mort à leur domicile. Comme quoi, la moindre erreur peut également avoir des incidences au niveau de la vie privée des arbitres.

 

De l’extérieur, on a l’impression que les relations arbitres/joueurs et arbitres/clubs en général, sont souvent conflictuelles. N’est-ce qu’une impression ?


Il existe des disparités oui, mais pas seulement. Si on était tout le temps dans le confit, je peux vous dire qu’il n’y aurait plus d’arbitre aujourd’hui. Chaque arbitre et chaque joueur possède une personnalité qui lui est propre, on ne peut pas reprocher à quelqu’un son caractère. Dans ce sens, il y a des efforts à faire, notamment de la part des arbitres, en terme de communication et de rapports humains. C’est dans cette optique que la Direction Nationale de l’Arbitrage organise des réunions d’avant-saison avec les capitaines et les entraîneurs de chaque club pour leur donner les consignes d’avant-saison. La DNA a également mis en place une journée de rencontres pendant la saison, où un arbitre va passer une journée dans un club pour assister à l’entrainement le matin, manger avec l’équipe à midi, et répondre à toutes sortes de questions l’après-midi. Il ne faut pas oublier que nous sommes tous partenaires de jeu. Aujourd’hui, les arbitres sont beaucoup plus ouverts au dialogue.

 

Justement, cette ouverture et ce dialogue semblent beaucoup plus présents chez les arbitres expérimentés, comme c’est votre cas. Pourtant, la limite d’âge vous contraint à stopper votre carrière. Ne serait-il pas plus judicieux de laisser à un arbitre le soin de prendre sa retraite quand bon lui semble ?


J’ai deux approches quant à cette question. La première où j’aurais tendance à dire que oui, il faut laisser le choix à l’arbitre. L’expérience me semble primordiale pour la bonne tenue d’un match. Et si l’arbitre se sent physiquement et mentalement apte à continuer à officier à ce niveau, pourquoi arrêter ? Vous savez, j’ai pris tellement de plaisir à arbitrer durant ma carrière que j’aurais volontiers continué pour une ou deux saisons de plus. Parallèlement, j’ai également tendance à dire que cette limite d’âge est la bienvenue. Il ne faut pas se leurrer, si aujourd’hui les arbitres ne partent pas à la retraite, cela ne permet pas de faire confiance aux jeunes arbitres et de les lancer dans le grand bain. Quand je suis arrivé en Ligue 1, j’ai pris la place d’autres qui sont partis. Sans ça, je n’y serais peut-être jamais arrivé. Mais cette question de la limite d’âge est aujourd’hui beaucoup sujette à débat.

 

En évoquant les sujets controversés, que pensez-vous des aides technologiques, telles que la puce dans le ballon ou la vidéo, censées réduire les erreurs d’arbitrage ?


Chaque aide apportée à l’arbitrage nous est bénéfique donc je n’ai aucune raison de m’y opposer, surtout si cela nous permet de réduire au maximum le nombre d’erreurs. Encore faut-il qu’elle soit possible à mettre en place. Aujourd’hui, il me semble que la vidéo n’est pas applicable pour cette raison. Quand est-ce que l’on pourrait l’utiliser ? Combien de fois ? À quels moments ? On se rend bien compte qu’il est impossible de trouver des réponses précises à ces questions. Et utiliser la vidéo à tout bout de champ ne me semble pas être la meilleure solution possible. Concernant les autres avancées technologiques, je crois que les tests mettant en scène une puce au sein du ballon n’ont pas donné satisfaction pour des raisons techniques. Pour voir si le ballon a bel et bien franchi la ligne, une autre technologie qui consiste à équiper les poteaux de but de cellules électroniques devrait être testée. À voir.

 

Un mot également sur les arbitres de surface. Sont-ils vraiment utiles ? Parce qu’avec ou sans eux, on ne voit pas vraiment la différence.


Utiles ? Oui bien sûr qu’ils le sont. Seulement, leur rôle n’est pas très bien connu du grand public. Ce qu’il faut bien savoir, c’est qu’ils ne sont pas là pour prendre des décisions, ils sont présents pour assister les arbitres centraux et leur permettre de prendre les bonnes décisions. De plus, ces 5e et 6e arbitres ont pour consigne de ne pas faire de gestes, pour ne pas qu’il y ait de confusion en cas de geste contraire de l’arbitre central. En clair, ils doivent seulement communiquer avec ce dernier. C’est la raison pour laquelle ils restent de marbre sur chaque action. Après, il y a forcément des manquements et ce système n’est pas synonyme de zéro erreur. Ce qu’il faut aussi souligner, c’est que leur présence a un aspect dissuasif. Autrement dit, un défenseur susceptible de tirer le maillot de son adversaire y réfléchira à deux fois avec les arbitres de surfaces, puisqu’il a de grandes chances d’être pris par la patrouille.

 

 

 

Quand les instances dirigeantes du football, que sont la FIFA et l’International Board, mettent en vigueur ces nouveautés concernant l’arbitrage, consultent-ils des arbitres avant ?


Cela peut paraitre étonnant mais non, du moins pas à ma connaissance. Il ne me semble pas que les arbitres soient sondés avant l’adoption ou le test de nouveautés concernant l’arbitrage. Je suis quasiment certain qu’aucun arbitre ne siège ni à la FIFA, ni à l’International Board.

 




28/05/2012
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