Le blog de ouatata. L\'arbitrage est l\'argument de défaite des nuls.

Il est, à 29 ans, l'un des meilleurs arbitres français et internationaux. Mais Clément Turpin reste un homme discret et particulièrement doué.

Vous aimez dire que sortir d'un match sans que l'on parle de vous est une satisfaction. Même si les propos sont flatteurs ?
« Vous savez, je ne suis pas responsable des propos tenus. Il est bien rare aussi qu'un arbitre entende des discours positifs, ils sont le plus souvent négatifs. Vous êtes bon un jour, très mauvais le lendemain, les constats sont très éphémères, il faut donc savoir prendre du recul. C'est pourquoi je dis que si l'on ne parle pas de moi après une rencontre, c'est aussi bien. »

Vous êtes, selon la presse spécialisée, le meilleur arbitre français du moment. À 29 ans, l'étiquette est-elle difficile à porter ?
« Attention, il ne faut pas se tromper, le meilleur actuellement est sans conteste Stéphane Lannoy, c'est très important de le dire. Me concernant, je ne m'intéresse pas à ce genre de classement. Pour moi, cela a un côté anecdotique. Ce qui me séduit le plus, c'est le bonheur d'entrer sur un terrain et d'être le plus performant possible, d'être concentré sur le jeu. »

Aux parents qui hésitent à envoyer leurs enfants vers l'arbitrage, sous prétexte d'une mauvaise image, vous dites quoi ?
« Je leur dis que le cliché n'est pas si mauvais que cela et que la grande majorité des matches se passe très bien. Mais c'est vrai que pour les parents, l'image est péjorative. Il ne faut pas non plus cacher la vérité concernant un environnement parfois compliqué. On ne fait pas de cadeaux à un arbitre de L1 ou de L2, alors vous pensez qu'en dessous, c'est encore pire. On ne passe rien à un arbitre de ligue. Je connais bien le problème, c'est pourquoi je leur tire un grand coup de chapeau. Ce qu'ils entendent chaque week-end n'est pas toujours agréable, mais on s'y fait, il faut banaliser. Parallèlement, je voudrais dire aux parents ou aux jeunes que le monde de l'arbitrage est formidable, il permet tout d'abord le plein développement de son corps, il aide également à se former une carapace. »

L'erreur d'un joueur s'oublie aussitôt, celle d'un arbitre peut aller jusqu'à prétendre mettre en péril la vie d'une entreprise, c'est angoissant comme jugement ?
« Tous nos actes ont une influence, nous en sommes bien conscients, mais cela ne nous empêche pas non plus de dormir. On connaît les enjeux, mais nous sommes dans une société qui tient vite des propos très extrêmes. Aussi, je n'aime pas les extrêmes, c'est forcément dangereux. Par ailleurs, je suis persuadé qu'il y a moins d'erreurs qu'avant. Tout d'abord, le travail fait par les arbitres est très poussé. De son côté, la direction de l'arbitrage a aussi défini une voie pleine de promesses sur ce point. Aujourd'hui, tout est super médiatisé, avec le nombre de caméras autour du stade, la moindre erreur ne passe pas inaperçue. »

Dans ce genre de situation, on doit aimer se replier dans un cadre familial, apaisant ?
« C'est un équilibre à respecter, il faut être fort et comme toutes les personnes qui traversent des moments difficiles, je peux me replier vers une cellule familiale harmonieuse, c'est très important. »

La concentration avant un match est fondamentale. Pour vous, elle commence à quel moment ?
« Elle commence la veille, en arrivant dans la ville ou se déroule le match. Et plus on approche de la rencontre, plus la concentration est forte. Puis ensuite, ce sera une grande application sur le jeu. Le bonheur est d'entrer dans le stade, d'y goûter l'ambiance, la tension est bien là. »

Quel est le critère qui vous fait dire qu'un match s'est bien déroulé, c'est au nombre de cartons ?
« La première chose est de ne pas se laisser influencer négativement, ce qui pourrait influencer le déroulement de la rencontre. Par contre, si l'on dit que j'ai protégé les joueurs et le jeu avec des idées positives, alors c'est bon, je quitte le stade l'esprit tranquille avec de bonnes sensations. »

Il semble qu'aujourd'hui, le fossé s'est creusé entre les joueurs et l'arbitrage. C'était plus cordial il y a quelques années ?
« J'entends cela depuis près de 15 ans et je vous assure que ce n'est pas le cas, on se dit bonjour comme avant. Vous savez, entre hommes de terrain, les relations ne peuvent pas être vraiment mauvaises. Et puis je dirais même que cela s'améliore. En ce qui me concerne, je fais en sorte de ne retenir que les bons côtés, c'est-à-dire les félicitations ou les encouragements, et il y en a. »

Quels sont les comportements de joueurs que vous détestez le plus sur un terrain ?
« Comme beaucoup de mes collègues, c'est en premier lieu la tricherie, la simulation. Il y a beaucoup de passion lors d'une rencontre, cela conduit parfois à des excès. Je ne vous cache pas que la tâche de l'arbitre est assez périlleuse pour déceler les joueurs qui trichent ou provoquent. »

Vous avez été joueur avant de prendre le sifflet ?
« Comme je le dis souvent, on vient au sifflet par le biais du football. J'étais joueur et éducateur à Montceaux et je me suis pris très vite au jeu de l'arbitrage. »

Outre le football, il y a d'autres sports que vous aimez ?
« J'aime tous les sports en général et j'aime les suivre à la télé. J'ai fait du foot, bien sûr, mais aussi du tennis et du volley. »

Compte tenu de la tension et des enjeux, peut-on prendre encore du plaisir à arbitrer un match ?
« Bien sûr et me concernant, cela me fait un bien énorme lorsque j'entre sur le terrain. Je me dis même avant un match que je me prépare à passer un bon moment sur un plan sportif, mais aussi personnel. »

Un petit mot sur l'arbitrage à 5 ?
« On n'en retire que du positif, c'est un soutien technique et aussi une présence ressentie dans les zones sensibles. »